HOMÉLIE DE
PAPE FRANÇOIS
NUIT DE NOËL
2014
«Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande
lumière; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.»
(Is 9,1). «L’ange du Seigneur s’approcha (des bergers) et la gloire du Seigneur
les enveloppa de sa lumière.» (Lc 2,9). C’est ainsi que la liturgie de cette
Sainte Nuit de Noël nous présente la naissance du sauveur: comme une lumière
qui pénètre et dissipe l’obscurité la plus dense. La présence du seigneur au
milieu de son peuple efface le poids de la défaite et la tristesse de
l’esclavage, et instaure l’allégresse et la joie.
Nous aussi en cette nuit bénie, nous sommes venus à la maison de
Dieu en traversant les ténèbres qui recouvrent la terre, mais guidés par la
flamme de la foi qui illumine nos pas et animé de l’espérance de trouver la
«grande lumière». En ouvrant notre cœur, nous avons-nous aussi la possibilité
de contempler le miracle de cet Enfant-Soleil
qui éclaire l’horizon en apparaissant d’en haut.
L’origine des ténèbres qui recouvrent le monde se perd dans la
nuit des temps. Repensons à l’obscur moment lors duquel fut commis le
premier crime de l’humanité, quand la main de Caïn, aveuglé par l’envie, frappa
à mort son frère Abel (cf Gen 4,8). Ainsi le cours des siècles a été parsemé de
violences, guerres, haine, injustices.
Mais Dieu, qui avait fondé ses attentes dans l’homme fait à son image et
ressemblance, attendait. Dieu attendait. Il a attendu tellement longtemps que peut-être
à un certain moment il aurait dû renoncer. Mais Il ne pouvait pas renoncer, Il ne pouvait pas se
renier Lui-même (cf 2 Tm 2,13). C’est pourquoi Il a continué d’attendre avec
patience face à la corruption des hommes et des peuples. La patience de Dieu.
Combien il est difficile de comprendre cela : la patience de Dieu envers
nous!
Tout au long du chemin de l’histoire, la lumière qui déchire
l’obscurité nous révèle que Dieu est Père et que sa patiente fidélité est plus
forte que les ténèbres et que les corruptions. En cela consiste l’annonce de la
Nuit de Noël. Dieu ne connait pas l’explosion de colère et l’impatience; Il est
toujours là, comme le père de la parabole du fils prodigue, dans l’attente
d’entrevoir au loin le retour du fils perdu; et tous les jours, avec patience.
La patience de Dieu.
La prophétie de Isaïe annonce l’apparition d’une immense lumière qui
déchire l’obscurité. Elle nait à Bethléem et est accueillie par les mains aimantes
de Marie, par l’affection de Joseph, par l’étonnement des bergers. Quand
les anges annoncèrent aux bergers la naissance du Rédempteur, ils le firent
avec ces mots: «Et voilà le signe qui vous est donné: vous trouverez un
nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire» (Lc 2,12). Le «signe» est
justement l’humilité de Dieu portée à l’extrême; c’est l’amour avec lequel,
cette nuit-là, Il a assumé notre fragilité, notre souffrance, nos angoisses,
nos désirs et nos limites. Le message que tous attendaient, celui que tous
cherchaient au plus profond de leur âme, n’était rien d’autre que la tendresse
de Dieu: Dieu qui nous regarde avec des yeux remplis d’affection, qui accepte
notre misère, Dieu amoureux de notre petitesse.
En cette Sainte Nuit, pendant que nous
contemplons l’Enfant Jésus qui vient de naitre et déposé dans une mangeoire,
nous sommes invités à réfléchir. Comment accueillons-nous la tendresse de Dieu?
Je me laisse rejoindre par Lui, je le laisse me prendre dans ses bras, ou bien
je l’empêche de s’approcher? «Mais moi je cherche le Seigneur» - pourrions-nous
répliquer. Toutefois, la chose la plus importante n’est pas de le chercher,
mais bien de s’abandonner à ce que se soit Lui à me chercher, à me trouver et à
me caresser amoureusement. C’est la
question que l’Enfant nous pose par sa seule présence: je permets à Dieu de
m’aimer?
Et encore:
avons-nous le courage d’accueillir avec tendresse les situations difficiles et
les problèmes de ceux qui nous sont proches, ou bien préférons-nous les
solutions impersonnelles, peut-être efficaces mais dépourvues de la chaleur de l’Évangile? Oh combien le monde d’aujourd’hui a besoin de tendresse! Patience
de Dieu, proximité de Dieu, tendresse de Dieu.
La réponse du
chrétien ne peut être différente de celle que Dieu donne à notre petitesse. La
vie doit être affrontée avec bonté, avec douceur. Quand nous nous rendons
compte que Dieu est amoureux de notre
petitesse, que Lui même se fait petit pour mieux nous rencontrer, nous ne
pouvons pas ne pas Lui ouvrir notre cœur, et le supplier: «Seigneur, aide-moi à
être comme toi, donne-moi la grâce de la tendresse dans les circonstances les
plus dures de la vie, donne-moi la grâce de la proximité face à chaque
nécessité, de la douceur dans n’importe quel conflit.»
Chers frères
et sœurs, en cette Sainte Nuit nous contemplons la crèche: là «Le peuple qui
marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière (Is 9,1). La
virent les gens simples, les gens disposés à accueillir le don de Dieu. Au
contraire, ne la virent pas les arrogants, les orgueilleux, ceux qui
établissent les lois selon leur propres critères personnels, ceux qui adoptent
une attitude fermée. Regardons la crèche et prions, en demandant à la Vierge
Mère: «Oh Marie, montrez-nous Jésus!».
(traduction: Véronique Marie-Paule)
(traduction: Véronique Marie-Paule)
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